Introduction

Les activités du GERPHAU se définissent autour de trois chantiers et de trois piliers :

Chantier 1 – Engager une pensée des milieux habités

Le questionnement sur le devenir des milieux habités s’inscrit dans l’horizon problématique du développement durable, et plus particulièrement dans une réflexion critique sur les mutations et métamorphoses qui travaillent actuellement les établissements humains. En effet, le développement des mobilités physiques, des télécommunications, la saturation de l’espace terrestre par l’espèce humaine et l’absence d’extériorité qui en découle, le développement inédit des agglomérations urbaines et la place désormais en question de la nature forment en partie les conditions d’une transformation radicale du sens même d’habiter et des espaces qui l’accueillent. Autour de cet axe de réflexion, il s’agit donc d’interroger ces mutations spatiales et anthropologiques dans une mise en perspective philosophique et critique. L’homme modifie en permanence l’environnement et, par ce geste éminemment artificiel, contribue à l’invention de nouveaux milieux. Or, depuis la prise de conscience des limites d’un développement qui brise l’équilibre écologique, la nature a été remise au cœur de la régénération des territoires. Ainsi, la volonté de rétablir un équilibre, l’idée de recréer une ville nature est plus que jamais d’actualité. De la cité-jardin (et ses préfigurations) jusqu’à l’espace moderne et l’idéal de la ville-forêt, la nature dont il est question a une forte portée éthique et sociale. Reposer et repositionner les termes paysage, environnement, milieu dans l’urbain porte à une réinvention écologique des pratiques urbaines et leur ouverture à une échelle humaniste. La problématique des « milieux habités », de leurs transformations, de leurs régénérations offre la possibilité d’opérer des rencontres entre des disciplines variées. C’est ainsi un champ de recherche commun aux « arts de la conception » (architecture, urbanisme, paysagisme) et aux « sciences de l’observation » (géographie, sociologie). C’est également une interface fertile entre les sciences de l’homme et de la culture d’une part et celle de la nature de l’autre.

Chantier 2 – Interroger les mondes construits

La requalification de la relation du citadin à l’environnement urbain passe par l’analyse de l’expérience ordinaire des espaces vécus, par le développement d’une esthétique de l’environnement urbain (notamment dans la relation ville/nature), et par la compréhension de l’espace architectural et urbain à travers les sens. Du point de vue méthodologique et épistémologique, la démarche s’appuie sur un double mouvement. Il s’agit d’une part de restituer et d’analyser l’expérience sensible de la ville, en termes de sensation, de perception de d’imagination, notamment à partir d’une phénoménologie et d’une herméneutique des espaces habités. Mais il s’agit aussi de rapporter cette expérience sensible à ses conditions de possibilités matérielles, techniques et sociales, qui lui donnent historiquement forme. L’analyse philosophique se situe ainsi à l’articulation des sciences sociales et de l’histoire des sensibilités. Elle permet à la fois de rendre compte de l’historicité des schèmes perceptifs et des représentations qui structurent les expériences et les imaginaires urbains. Cette notion est riche : formidablement déployée par l’invention architecturale avec sa capacité de modelage comme avec la puissance d’enveloppement de la ville, elle interpelle avec efficacité notre relation au réel. Elle engage autant le visiteur, l’habitant, le promeneur, le citadin, le professionnel. Elle agglomère des parcelles de sens, parfois explicites parfois énigmatiques, mais qui mis bout à bout dessinent le creuset d’une époque, son imaginaire, voire son épistémè. Par son caractère fluide, elle met en chantier des paradigmes. Par sa dimension paradoxale, cette notion d’expérience nous oblige à accueillir la nouveauté et le foisonnement du vécu et à assumer qu’une certaine complexité ne puisse être réduite. Elle nous permet de visiter des frontières floues à partir d’une mesure humaine.

Chantier 3 – Explorer les modalités d’invention

Entre création, innovation technique et expérimentation sociale, cet axe de recherche interroge les modalités contemporaines d’invention de nouveaux milieux habités, de l’échelle de l’habitat à celle du territoire, en passant par l’urbain. Il vise notamment à la redéfinition des enjeux du projet dans une civilisation du risque. Cette fabrique du contemporain est analysée à partir de ses outils de conception, représentation et communication (cartes, figures, récits, motifs, schèmes, scénarios…) ainsi qu’à travers l’observation de ses productions matérielles (objets-milieux). Ainsi entendu, le projet devient, à la fois, une pratique réflexive et productive, capable d’articuler des échelles différentes et « anticiper » les mutations des milieux à travers une lecture complexe du temps. Cet axe se propose d’explorer la possibilité et les modalités d’existence d’une épistémologie par le projet. L’hypothèse est que lien entre l’objet et le territoire soit tissé par le design, entendu comme manière de concevoir de la plus petite à la grande échelle en répondant toujours aux mêmes enjeux : être raisonnable, ouvert à la métamorphose et réversible. Le design est donc la conception qui intéresse aussi bien l’architecte, le paysagiste, l’ingénieur, l’informaticien….L’introduction des technologies numériques dans les démarches de design ne se limite pas à un rôle d’instrument mais est le centre d’un repositionnement des acteurs au cœur d’un dispositif de conception/création qui transmet un patrimoine. Cette démarche propose de déconstruire analytiquement la notion monolithique de projet à travers une reconfiguration démocratique où les rôles du concepteur/de l’amateur/de l’usager se superposent et se mélangent. A l’aide de cette reconfiguration, les notions de patrimoines se modifient, touchent le vivant, l’immatériel, le populaire…et demandent une redéfinition. Ce double régime lui confère, d’une part, la capacité de comprendre un milieu (research by design – recherche par le projet) et, d’autre part, de déployer une activité poïetique responsable et soutenable (design by research).

Pilier 1 – Habiter / Exister

Poser et réorienter la question du sens d’habiter dans une ère urbaine, entre natures et cultures ; réinterroger les modes d’être ou relations nouvelles entre singularités ; repenser de nouvelles configurations du vivre ensemble avec une architecture des milieux habités.

Pilier 2 – Représenter / Conceptualiser

Définir des représentations capables de rendre compte des mutations contemporaines ; proposer des modes de penser et d’agir capables de soutenir le caractère inséparable des échelles d’analyse et d’intervention ; engager la réflexion architecturale actuelle dans ces dynamiques d’emboîtement et d’entrelacement complexes, qui intéressent simultanément les dimensions théoriques et pratiques.

Pilier 3 – Hériter / Transformer

Confronter la métamorphose des territoires à la double tension qui se joue entre d’une part sa capacité à conserver et hériter, et d’autre part sa volonté de projeter et prospecter la ville à venir ; éprouver ce qui est à l’oeuvre entre rythmes naturels et culturels, et envisager les mesures selon lesquelles ces co-rythmes permettent de régénérer les établissements humains.